Je suis en retard, je sais, mais que voulez-vous, être en
vacances, ça prends du temps et de l’énergie… Mais il faut écrire, il faut
écrire vite, avant d’oublier.
Les Saturnales… Allez savoir comment, je m’en suis
retrouvée principale organisatrice. J’avais juste prononcé ces mots la
première, je crois : « Dites, qu’est-ce qu’on fait pour les
Saturnales ? » J’aurais au moins compris quelque chose :
organisatrice en événementiel, ce n’est vraiment pas mon truc. Mais quelle
expérience ! J’ai aimé me transformer en « madame » dans le
regard des serveurs de l’Excelsior au moment où j’expliquais que nous voulions
organiser un repas pour soixante-dix personnes. Comme tout devient important
lorsque l’on a le « potestas » et quel stress ! Et si supprimer
l’entrée était un crime de lèse-majesté ? Et si le dessert ne convenait
pas ? Et si je devais payer seule les 1400 euros parce que je n’ai pas
réussi à réunir l’argent ? Bref,
ce n’était que les Saturnales mais je crois qu’en deux ans de prépa, rien ne
m’a plus stressée (au point que je n’ai rien réussi à manger le soir même).
La soirée avait quelque chose de nostalgique, ce petit
goût de « dernière fois » qu’elle n’avait pas l’année dernière. Il
faut dire que le conseil de classe avait eu lieu le matin même, la fin
officielle de notre khâgne donc. L’année dernière, rien n’était fini, il nous
restait quelques khôlles et un an, ça paraissait si long, un an et c’est passé
si vite. Comme promis. « La khâgne, c’est comme une grosse piqûre, m’avait
expliqué monsieur T. (alors le professeur de philo inconnu des K1), ça fait
très mal, mais ça passe vite. » Et puis, il y avait nos Saturnales, celles
que nous allions organiser l’année suivante. Nous avions hâte d’y être, même si
la barre avait été placée très haute par nos prédécesseurs. Mais cette année,
c’était notre soirée, il fallait en profiter au maximum, parce que le pire
était derrière nous. Les Saturnales, c’est représentatif de tout ce qu’il y a
de bien en khâgne.
Le repas, c’est l’occasion de discuter avec nos professeurs.
Ils ont tellement de choses à nous apprendre encore sur la vie. Ainsi, madame
C. nous a expliqué qu’il fallait laisser un peu de temps entre la khâgne et le
1er enfant, pour se reposer. Elle m’a également indiqué que
l’organisation des Saturnales était un bon entraînement pour l’organisation de
mon mariage (cela dit en passant, je me pose une question : est-ce que
j’ai une tête de jeune fille à marier ? parce que deux jours plus tard,
notre divin professeur d’histoire m’a conseillé de me trouver « un mari
gentil et intelligent, et riche surtout ! hein ! un
notable ! »).
Et puis, il y a la pièce… Nous avions tellement peur du
fiasco. Il faut dire que tous nos profs nous avaient lancé un « il va
falloir assurer l’année prochaine ! » à la suite de la représentation
des khâgneux de l’an dernier. Certains avaient quitté le navire dès le début.
Et d’autres se sont accrochés. Comment raconter nos répétitions
chaotiques ? Nous n’étions pas prêts, jamais au complet, tout était trop
long, manquait de rythme. Et pourtant quels fous-rire ! J’ai découvert
pendant ces quelques semaines des khâgneux à qui je n’avais pratiquement jamais
parlé, parce qu’il y avait le travail, etc. C’est dommage et c’est trop tard.
Je me suis beaucoup attachée à eux durant les répétitions. Jamais notre classe
n’a été si unie. Juste avant d’être dispersée…
La pièce n’a pas été un fiasco finalement. On a même
entendu ça et là des professeurs se demander si ce n’était pas « mieux que
l’année dernière », voire « parfois plus fin et intelligent ».
Après deux ans à entendre dire que nous n’étions pas une bonne année, c’est une
sorte de revanche. Il faut dire que moi, je n’ai pas pris de risque puisque
j’ai joué madame C., notre toute nouvelle prof de latin. Faute d’être un jour
une excellente prof de latin, il semble que j’ai réussi à bien en incarner une.
Je suis rassurée, j’avais tellement peur de la « rater » pour ses
premières Saturnales, mais elle m’a déclaré que ça avait été « parfois
très éprouvant » parce qu’elle avait l’impression d’avoir été filmée. Il
faut dire qu’on a les mêmes cheveux, ça doit jouer…
La soirée s’est finie au Garden ; la boucle est bouclée en quelque
sorte puisque c’est là que nous avons commencé notre khâgne lors de la soirée
d’intégration. Le temps d’échanger quelques mots et quelques souvenirs et nous
avons été rendus à la rue. Seuls, un peu paumés. Rien n’a réussi à effacer
l’impression que c’était fini, pas même les cours auxquels je me suis rendu le
lendemain. « Maintenant, on est des khâgneux sans khâgne », comme l’a
écrit Marie.